La biodiversité désigne la diversité des organismes vivants et des écosystèmes présents sur Terre[1] et se divise habituellement en trois parties :
- La diversité génétique ; correspondant à la diversité des gènes au sein d’une espèce
- La diversité des espèces
- La diversité des écosystèmes présents sur Terre
La préservation de la biodiversité constitue un enjeu planétaire et l’un des aspects majeurs du développement durable depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992. En effet, la Convention sur la Diversité Biologique stipule que la diversité biologique est essentielle pour la préservation des systèmes qui entretiennent la biosphère et possède ainsi une valeur capitale sur les plans environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif, culturel, récréatif et esthétique. Elle affirme également que « Les États sont responsables de la conservation de leur diversité biologique et de l’utilisation durable de leurs ressources biologiques ».
État de la biodiversité en Suisse
Dans son rapport 2023 sur l’état de la biodiversité en Suisse, l’Office fédéral de l’environnement présente la biodiversité comme « essentielle à notre alimentation, participe à la régulation du climat, purifie l’air et les eaux, est bénéfique à notre santé et contribue à une économie florissante ».
La situation de la biodiversité en Suisse est pourtant inquiétante. L’abandon des exploitations et l’intensification de l’utilisation de la montagne menace la biodiversité dans les milieux alpins, un phénomène amplifié par le changement climatique et les infrastructures touristiques notamment. Les milieux aquatiques sont également affectés: la qualité de l’eau est jugée insuffisante dans un tiers des cours d’eau suisse. Du côté positif, les mesures de protection des marais semblent porter leurs fruits sur le Plateau où l’on constate une bonne évolution. De même, le volume de bois mort dans les forêts suisses augmente, ce qui influence également positivement le stockage de l’eau et le climat du sol. Cependant, le rapport critique les pratiques agricoles actuelles qui utilisent une grande quantité d’azote et de produits phytosanitaires. Ces produits impactent négativement les espèces et provoquent des pertes importantes de biodiversité sur les terres cultivées.
Le rapport conclut que « la qualité, la quantité et la mise en réseau de nombreux milieux en Suisse sont insuffisantes pour sauvegarder à long terme la biodiversité et les services écosystémiques. Le besoin effectif en surfaces de grande valeur écologique est nettement supérieur aux surfaces subsistantes. Pour survivre, bon nombre d’espèces ont besoin d’habitats plus vastes ».
Il est intéressant de noter que la Suisse a soutenu le nouveau Cadre mondial pour la biodiversité à la COP15 à Montréal en décembre 2022, visant la sauvegarde d’ici à 2030 d’au moins 30% des surfaces terrestres et maritimes de la planète[2]. Or, une analyse de Pro Natura en fin décembre 2023 montre que 8% seulement du territoire suisse est suffisamment protégé.
Initiative du 22 septembre
Ce constat nous mène ainsi à l’initiative populaire fédérale du 22 septembre 2024 : « Pour l’avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité). Cette initiative demande à modifier la Constitution pour y ajouter notamment les éléments suivants : la Confédération et les cantons veillent à préserver les paysages, sites historiques et autres monuments naturels et cultures dignes de protection, à ménager la nature et le paysage en dehors des objets protégés, ainsi qu’à mettre à disposition les surfaces et ressources nécessaires à la sauvegarde de la biodiversité. La Confédération et les cantons sont responsables pour désigner les objets dignes de protection, et la Confédération soutient les mesures prises par les cantons pour sauvegarder et renforcer la biodiversité.
Le texte complet de l’initiative est accessible ici.
Favoriser la biodiversité dans le monde agricole : interview avec Luigi d’Andrea
Afin de comprendre les enjeux de cette initiative sur les milieux agricoles, nous avons discuté avec Luigi D’Andrea, Dr en Biologie, Arboriculteur et Permaculteur au Domaine des Gorges à Boudry.
Luigi D’Andrea, quels sont les liens entre biodiversité et agriculture ?
La chute de la biodiversité est causée en partie par les pratiques agricoles : de nombreux produits utilisés détruisent la vie et les milieux naturels. Ainsi, les espèces se retrouvent privées de nourriture et d’habitat pour vivre ou sont intoxiquées. On en parle assez peu, mais l’agriculture suisse est la plus intensive d’Europe par mètre carré car on produit beaucoup dans un pays avec une faible surface.
Comment favoriser la biodiversité dans les milieux agricoles ?
Un problème essentiel d’après moi est qu’actuellement on oppose biodiversité et production. Pour bien faire il faudrait intégrer l’écologie dans nos systèmes de production. Cependant, ça implique de faire les choses différemment et c’est difficile à mettre en application. En permaculture nous avons un principe de design qui dit qu’il faut intégrer plutôt que séparer.
Qu’entendez-vous par « faire les choses différemment » ?
Afin de préserver et de favoriser la biodiversité il y a un besoin urgent de désindustrialiser l’agriculture. Cela demande de s’orienter vers davantage de permaculture ou d’agroécologie, d’utiliser moins de machines et de pesticides et de ramener plus de personnes dans les champs. Il faut cela non pas par principe, mais parce que la biodiversité est liée à des habitats et à des milieux qu’il faut recréer. L’industrialisation et la rationalisation détruit ces habitats et uniformise tout ce qui pour la biodiversité est synonyme de déclin.
Malheureusement il y a de gros freins à cela : de moins en moins de personnes veulent faire ce métier difficile, la nourriture sera plus chère, on utilisera moins de machines, etc. Un autre problème est le pétrole que l’on paie actuellement beaucoup moins cher que sa juste valeur. Si l’on payait le pétrole à sa véritable valeur, le coût de la transition paraîtrait déjà plus supportable.
Quelles seraient les implications de l’initiative biodiversité pour les milieux agricoles ?
Dans mon cas précis, l’initiative aurait peu, voire pas d’impact sur le Domaine des Gorges car nous faisons déjà davantage que ce qui est demandé en matière de préservation et de favorisation de la biodiversité. Cependant le texte de l’initiative est assez vague et ne permet donc pas de savoir concrètement quelles répercussions cela aura sur le monde agricole. Sur le principe, j’espère que personne n’est directement opposé à la préservation de la biodiversité. L’initiative parle cependant de mettre des surfaces à disposition de la biodiversité sans préciser lesquelles, donc le flou se situe principalement à ce niveau-là. Il n’y a pas des milliers d’endroits où l’on peut mobiliser des surfaces en Suisse. Les terrains agricoles seront donc visés, d’où un lever de bouclier de certains milieux paysans je pense.
Est-ce que dans votre domaine vous avez remarqué un impact de vos pratiques sur la biodiversité ?
Le Domaine des Gorges produit en suivant les principes de la permaculture et de l’agroécologie. Par exemple le principe suivant est important: « chaque organisme remplit plusieurs fonctions et chaque fonction et remplie par plusieurs organismes ». Ainsi, on se rend vite compte que plus il y a d’organismes et plus nos cultures sont stables et résilientes. Par conséquence nos systèmes peuvent être plus stables et fonctionner efficacement. Je ne fais aucun traitement sur mes arbres fruitiers et j’ai très peu de soucis de champignons ou de ravageurs.
Nous avons beaucoup d’arbres, mais aussi de cultures maraîchères, de plantes aromatiques, etc. Nous laissons beaucoup d’espaces à la biodiversité sous toutes ses formes. Par exemple en renaturant un cours d’eau auparavant canalisé sous terre et en créant un étang qui nous sert pour l’irrigation. Celui-ci crée aussi des milieux aquatiques et humide qui attirent tout un cortège biologique lié à ces milieux. Cela ramène aussi tous les organismes qui en tirent avantage comme les oiseaux par exemple qui sont très utiles pour nous débarrasser des ravageurs insectes dans nos fruitiers. Nous avons aussi des prairies et structures qui favorisent la biodiversité animale et végétale.
Il ne faut pas cependant sacraliser la biodiversité et penser qu’on va résoudre ainsi tous nos problèmes. Ce printemps par exemple, nous avons eu beaucoup de limaces. Même avec toute la biodiversité du monde on ne peut pas faire grand-chose dans ce cas de figure. Les canards ont leurs limites. Il fallait juste remplir des sceaux de limaces et il n’y avait rien d’autre à faire.
Cependant, en recréant des espaces dédiés pour cette biodiversité nous avons remarqué que certaines espèces – malheureusement pas toutes – reviennent par elles-mêmes. Cela donne beaucoup d’espoir car on voit directement les bénéfices de créer ces espaces pour la biodiversité. Cependant il faut avoir des réservoirs quelque part. Si nous continuons ainsi les espèces vont disparaître et ne pourront plus recoloniser.
Le 22 septembre, pensez à voter !
Ressources supplémentaires :
Voici quelques ressources pour en savoir plus :
- La vidéo explicative sur l’initiative du 22 septembre sur la plateforme easyvote ;
- Les données de l’OFEV sur la biodiversité en Suisse ;
- Découvrez le Domaine de Gorges et ses activités ;
- La stratégie du Conseil Fédéral concernant la biodiversité ;
- Une infographie intéressante récapitulant la Stratégie Biodiversité Suisse.
Retrouvez toutes nos actualités et prises de position sur notre blog.
[1] Novethic, https://www.novethic.fr/lexique/detail/biodiversite.html
[2] https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-95864.html