Condamnée pour ses actions de désobéissance civile, Sara Gnoni attend que la justice suisse montre l’exemple

Désobéissance civile – La conseillère communale verte Sara Gnoni a été condamnée ce jeudi par le tribunal de Montbenon

Ceci pour avoir participé à deux blocages de route: le 20 septembre 2019 sur le Pont Bessières et le 14 décembre 2019 à la rue Centrale à Lausanne. Deux actions de désobéissance civile organisées par le mouvement Extinction Rebellion et pour lesquels 200 personnes seront jugées. Les verdicts arrivent au compte goutte. Le tribunal retient contre Sara Gnoni sa participation à deux manifestations non autorisées, le blocage de la circulation et la résistance opposées aux ordres d’évacuation de la police lors d’un de ces blocages. 

Ce jeudi dans l’atmosphère froide du palais de justice, Sara Gnoni se trouve sur les bancs des prévenu·es aux côtés d’une autre activiste –une troisième personne était excusée. La juge estime l’engagement des militant·es «sincère». Mais elle ne reconnaît pas la motivation politique de l’action comme un «mobile honorable». Elle relève par ailleurs que Mme Gnoni ne peut pas être considérée comme une «simple participante» car elle occupe un rôle d’élue. Elle se doit, selon la juge, de se renseigner si une manifestation est autorisée ou non. Les peines restent légères: 20 jours amende à 30 francs avec sursis couplés d’une amende de 200 francs et de frais de justice de 1330 francs. 

Un verdict décevant

Sara Gnoni est déçue et surprise du résultat. Encore un jour avant, alors que nous l’avions rencontrée à son domicile, elle espérait que la juge l’acquitterait car selon son avocat «ces manifestations étaient protégées par les libertés de réunion et d’expression» et «que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme ne permet pas de sanctionner la simple participation à une manifestation non autorisée». 

Elle appelle la justice suisse à être «plus courageuse» et rendre des décisions à la hauteur des enjeux, à l’image de la justice française concernant l’affaire du siècle où la carence de l’Etat en matière de lutte contre le réchauffement climatique a été reconnu. Elle veut que le troisième pouvoir presse le gouvernement, pas les militant·es. Cette condamnation ne l’empêchera pas de continuer à s’engager, promet-elle: «J’essaierai de changer les choses tant que j’ai de l’énergie.» Son avocat fera appel contre le verdict du jour.

Sara Gnoni s’engage pleinement pour la cause climatique

Au-delà de son engagement militant dans les rangs d’XR, Sara Gnoni se dédie pleinement aux enjeux environnementaux. Avec la même ténacité au niveau personnel que professionnel. Bols tibétains, poufs au sol, table basse asiatique et jeux d’enfants ornent la pièce principale de son appartement lausannois situé à deux pas du CHUV. Une ambiance paisible. 

Ce calme tranche pourtant avec les torrents intérieurs que vit l’élue. Sur Facebook, elle exprime souvent son anxiété grandissante «face à l’inertie des choses alors qu’il y a urgence».

Sara se bat pour un avenir plus responsable pour les futures générations

Elle a peur pour ses deux enfants, Charlotte, 7 ans,  et Robin, 5 ans. Elle essaie de ne pas leur noircir le tableau, sans pour autant leur cacher la vérité. «Mes enfants savent ce qu’est Extinction Rebellion et pourquoi j’y participe. Face à cette anxiété, je ne peux pas rester sans rien faire.» Et de poursuivre: «J’essaie de les rendre conscients. On ne mange pas d’animaux ici. Si mes enfants en mangent avec leur papa, au moins, ils savent que ce qu’ils avalent était en vie avant», explique-t-elle. 

Alors que sa mère parle, l’aînée pointe spontanément du doigt son puzzle des animaux en voix d’extinction et ramène un axolotl. «C’est un animal très ancien qui se trouve dans un lac au Mexique. Il est victime de la pollution de son habitat et de leur demande en aquariums. Il est de ce fait en voie d’extinction», explique Sara Gnoni. «Mais c’est débile», réagit Charlotte. La petite trouve aussi «débile» de prendre la voiture et l’avion parce que «ça pollue» et «il faudrait envoyer tous les objets polluants sur Mars pour s’en débarrasser!», poursuit-elle. A 7 ans, Charlotte a déjà marché «pour sauver la planète!», plusieurs fois.  «Même quand il y avait Greta», s’exclame-t-elle. On le sent, la fibre écolo est déjà bien transmise.

Sa prise de conscience écologique

Sara Gnoni vit avec ses enfants. Son compagnon soutient son combat. La famille recomposée ne prend pas l’avion. L’élue verte vient d’un milieu modeste. Ses deux parents immigré·es italien·nes sont des «écolos malgré eux, car ils étaient pauvres, donc ne voyageaient pas». A l’inverse, elle a souvent pris l’avion dans ce qu’elle appelle «son ancienne vie d’experte-comptable dans un cabinet d’audit». «Je gagnais bien et je n’avais pas conscience de l’impact de l’aviation», relève-t-elle. 

Après avoir vécu deux ans à Singapour et fait de la plongée, elle prend conscience des enjeux environnementaux. Un reportage sur le massacre des requins pour la vente de leurs ailerons est un point de bascule dans son éveil personnel. A son retour en Suisse, elle entame une formation de conseillère en environnement chez WWF. Aujourd’hui, elle dirige sa propre société et aide les entreprises à devenir plus durables. 

Militer pour agir contre l’inaction climatique

La quarantenaire entame son deuxième mandat au Conseil communal. Elle n’est pas la seule conseillère à avoir des soucis de justice pour sa militance. Mais elle ne voit pas de problème à siéger au parlement d’une ville tout en s’affichant dans les rangs d’XR. «Les personnes qui m’ont élue l’ont fait pour mes engagements», réagit-elle face aux journalistes.

Militer, récolter des signatures, déposer des postulats, désobéir, cette mixité des modes d’action est selon elle nécessaire face à l’inertie des gouvernements. «Cela fait 40 ans que nous savons que nous fonçons droit dans le mur.  Tout est lent. J’étais enceinte de Robin quand je récoltais les signatures pour l’initiative ‘Suisse libre des pesticides’. Il a 5 ans aujourd’hui. Depuis les deux actions de blocage, rien n’a été entrepris qui soit à la hauteur de l’enjeu auquel nous nous trouvons: l’humanité est pour la première fois face à sa propre extinction», martèle-t-elle.

Notre existence est en danger

La conseillère communale continuera à déposer des postulats et interpellations malgré cette inertie qui la dépasse. Elle espère que la Ville ira plus loin que la création de pistes cyclables ou de zones à 30 km/h. Elle compte sur le plan climat lausannois, «le plus ambitieux de Suisse», soutient-elle. Mais Sara Gnoni sait qu’elle devra redoubler d’efforts car pour elle le message de l’urgence climatique reste inaudible. «La plupart des gens ont compris qu’il y a un problème de plastique, qu’il faut manger moins d’animaux et qu’il va faire plus chaud, mais pas que nous courons un risque existentiel.»

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